Décès de notre collègue Atalolo Basile DAGBA

Le décès de notre collègue Atalolo Basile DAGBA, Expert CaeAfrique en Structural mechanics and experimental approach nous laisse désemparés. Il laisse un grand vide dans notre société. C’est une dure épreuve. Toute la famille CaeAfrique souhaite à sa famille ses profondes condoléances.

Et si les maux de l’Afrique étaient essentiellement liés à un manque de leadership ?

Et si les maux de l’Afrique étaient essentiellement liés à un manque de leadership ?

Éducation : ces nouvelles fabriques des élites

Sur tout le continent, des entrepreneurs nouvelle génération fondent des établissements haut de gamme, souvent soutenus par des fonds privés. Objectif : faire émerger les dirigeants de demain.

Et si les maux de l’Afrique étaient essentiellement liés à un manque de leadership ? Des entrepreneurs d’un genre nouveau en sont persuadés et se disent déterminés à faire émerger des dirigeants capables de porter la transformation de toute l’économie africaine. Leur stratégie ? Multiplier les universités haut de gamme pour former l’élite du futur. « Je voudrais pouvoir imprégner les étudiants d’un sens profond de l’engagement, tout en leur donnant des compétences pour innover et entreprendre », affirme le Ghanéen Patrick Awuah.

Ex-manager de Microsoft, il en a démissionné pour créer en 2002 l’université Ashesi dans la petite ville de Berekuso, à 30 km d’Accra. Immenses salles de classe ultra-connectées, laboratoires modernes, bibliothèque… un campus international à l’américaine dans un paisible et luxuriant îlot de 40 hectares. Venus de l’ensemble du continent et notamment du Kenya, du Rwanda, d’Afrique du Sud et du Zimbabwe, ses quelque 900 étudiants doivent s’acquitter d’environ 9 000 dollars de frais de scolarité par an. Mais grâce à un partenariat établi avec l’université, la fondation MasterCard prend en charge la scolarité de plus de la moitié d’entre eux. « Ils contribueront à l’amélioration du continent », parient les responsables de la fondation.

Modèle écoles de commerce

Bien qu’il valorise le modèle américain, Patrick Awuah mise sur l’africanisation de son université. Son architecture s’inspire des cours traditionnelles d’Afrique de l’Ouest ; le nom de l’établissement signifie « commencement », en akan, et son logo renvoie à des symboles de cette culture. Elle propose six cursus différents de quatre ans, tels que le management des systèmes d’information et les ingénieries informatique, électrique et électronique ou encore mécanique.

Conçus comme les business games des écoles de commerce occidentales, les cours se veulent participatifs. Par groupe de six à dix, les étudiants choisissent une problématique à laquelle doit faire face le Ghana. Ils ont ensuite deux semestres pour trouver des solutions. Les projets sont présentés devant toute l’université, et les quinze les plus aboutis sont transformés en entreprises grâce aux soutiens de fondations partenaires. Patrick Awuah affirme que ses étudiants ont un taux d’insertion professionnelle de 90 %, six mois après l’obtention de leur diplôme.

Lauréat du Wise Prize for Education 2017, présenté comme le Nobel du secteur, il voudrait désormais étendre le modèle à tout le continent et milite pour une « panafricanisation » de l’éducation. Depuis cinq ans, il multiplie les programmes d’échanges avec des universités africaines. En 2017, il a invité une douzaine d’entre elles à créer une plateforme collaborative commune.

6 000 candidatures

Autre Ghanéen piqué par ce virus de l’éducation nouvelle génération, Fred Swaniker, diplômé de la Stanford Business School, a créé l’African Leadership Academy (ALA), un programme qui vise à encourager l’esprit entrepreneurial chez les jeunes Africains. Créé en partenariat avec le Camerounais Acha Leke, consultant du cabinet McKinsey, et deux amis, Peter Mombaur et Chris Bradford, l’ALA a déjà accueilli plus de 700 étudiants à très fort potentiel issus de tout le continent.

Mais son initiative la plus médiatisée reste l’African Leadership University. Ses deux campus haut de gamme ont représenté chacun un investissement de 100 millions de dollars. Considéré comme le Harvard de l’Afrique, le premier, dirigé par Graça Machel, a ouvert à Maurice en 2013 ; basé à Kigali, au Rwanda, le second est opérationnel depuis septembre 2017. Ils accueillent chacun quelque 300 étudiants, en provenance d’une trentaine de pays.

À l’horizon 2060, Fred Swaniker rêve de former 3 millions de leaders africains dans un réseau de 25 universités

Fred Swaniker dit avoir reçu chaque fois plus de 6 000 candidatures en provenance de 54 pays en moins de seize jours. Un record, au regard du coût de la formation : 10 000 dollars annuels par élève sur quatre ans. Mais l’université, qui se finance grâce à des levées de fonds, prend en charge tout ou partie des frais de scolarité. En échange, les élèves s’engagent à lui reverser entre 2 et 10 % de leur future rémunération pendant dix ans. « Un bon compromis, quand on sait que la durée d’un prêt étudiant – quand on en obtient un – peut excéder vingt ans », estime Fred Swaniker.

Confidentiel. À l’horizon 2060, il rêve de former 3 millions de leaders africains dans un réseau de 25 universités (pour un coût global de 2,5 milliards de dollars). Il mise aussi sur le recrutement de 25 % de ses effectifs hors du continent, pour des frais de scolarité compris entre 20 000 et 24 000 dollars annuels.

Fondations

Certains étudiants voient leur cursus – sur le continent ou ailleurs – financés par de généreux mécènes au travers de fondations. Pionnier en la matière, Nelson Mandela a parrainé en 2002 une initiative du Rhodes Trust. Ce fonds a alors donné 10 millions de livres sterling (environ 15 millions d’euros) à la Fondation Mandela Rhodes. Depuis 2005, une vingtaine d’étudiants, essentiellement sud-africains et zimbabwéens, sont entièrement pris en charge pour suivre un programme d’exception d’une année.

Le cursus, qui se veut lui aussi panafricain mais reste confidentiel, repose sur quatre grands thèmes : leadership, entrepreneuriat, réconciliation et éducation. Les étudiants se rencontrent lors de retraites informelles avant la rentrée, puis repartent en milieu d’année pour des bosberaad (« conférences en brousse ») à travers le pays. Il s’agit d’échanger sans stress sur des questions de haute importance.

L’Anglo-Soudanais Mo Ibrahim entend lui aussi créer une pépinière de futurs leaders africains en finançant un programme de bourses de leadership. Très sélectif, il offre aux heureux élus l’occasion de se former au plus haut niveau dans des institutions africaines comme la BAD ou des organismes multilatéraux ayant pour vocation d’améliorer les perspectives économiques et sociales de l’Afrique.

Université Panafricaine

L’Union africaine (UA) fait aussi le pari d’une éducation haut de gamme avec son Université panafricaine (UPA). En lien avec les problématiques régionales, ses programmes sont destinés à former des cadres de haut niveau dans des organismes de développement. Elle compte cinq pôles dans les cinq régions du continent : sciences de la gouvernance et de l’intégration régionale en Afrique centrale (Cameroun), informatique et mathématiques en Afrique de l’Est (Kenya), sciences de la terre et de l’agriculture en Afrique de l’Ouest (Nigeria), sciences minières en Afrique du Nord (Algérie), sciences spatiales, à venir, en Afrique australe.

Chaque promotion compte quelque 70 étudiants, rigoureusement sélectionnés à Bac +3 dans les 54 États africains. Mais près de 15 % des étudiants enregistrés sont originaires des pays hôtes. Au Cameroun, par exemple, parmi les 58 élèves de la ­deuxième promotion, 15 sont des locaux. Formés pour intégrer l’UA, ils comptent parmi leurs enseignants des experts qui ont fait leurs preuves dans le management des institutions internationales, et même des Premiers ministres.

Chaque mois, ils perçoivent une allocation comprise entre 750 et 1 100 dollars. Mais le coût de la formation, entièrement pris en charge par l’UA et ses partenaires suédois ou japonais, est tenu secret.

Agir à la racine

Le financier camerounais Cyrille Nkontchou, fondateur du groupe Enko Education, fait partie de ceux qui estiment que pour faire émerger des profils africains de qualité, compétitifs à l’international, il faut agir en amont. Présent au Cameroun, en Afrique du Sud, au Mozambique, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, son réseau panafricain de huit établissements du secondaire a pour vocation de permettre aux élèves d’intégrer les meilleures universités au monde, grâce à leur baccalauréat international (BI), pour des coûts de formation compris entre 2 000 et 4 000 dollars annuels.

Formés à Yaoundé, quelques-uns des douze premiers bacheliers d’Enko ont pu intégrer Yale, l’Imperial College de Londres ou encore les universités canadiennes de Toronto et de la Colombie britannique à la rentrée 2017.

Par Clarisse Juompan-Yakam  |  09 janvier 2018

http://www.jeuneafrique.com/mag/502433/economie/education-ces-nouvelles-fabriques-des-elites/

Le Japon n’est pas le seul pays développé sur lequel les Africains doivent apprendre.

<< Le Japon n’est pas le seul pays développé sur lequel les Africains doivent apprendre. Mais le Japon nous enseigne qu’il est parfaitement possible de s’enrichir sans voler, qu’on soit un individu ou un pays. >>

Ce que l’Africain et président d’une université au Japon nous enseigne sur la réussite

By Jean-Marie Ntahimpera on 10 octobre 2017 — La leçon que les Africains peuvent tirer de la réussite du docteur Oussouby Sacko est qu’ils doivent élever leur  »jeu » au niveau des «standards japonais », s’il veulent réussir dans un monde globalisé.

Oussouby Sacko, nouveau président de Kyoto Seika University. Source : Oussouby Sako

Le nouveau président Malien d’une université japonaise, Oussouby Sacko, a beaucoup à apprendre aux Africains qui veulent réussir, peu importe le sens qu’ils donnent au mot « réussite ».

En tant qu’Africain, originaire d’un des pays les plus pauvres du monde, il a dû travailler très dur pour se hisser au sommet d’un des pays les plus riches du monde.

Il a été élu pour diriger Kyoto Seika University, non pas parce qu’il est noir, non pas parce que son université veut promouvoir la diversité, mais parce qu’il est le plus qualifié pour le job. Le principe qui lui a mené à cette réussite est « jouer selon les standards japonais ».

Contrairement aux autres étrangers qui se distanciaient des Japonais quand Oussouby y faisait encore ses études, lui, a pris une autre approche. « J’étais déterminé à ne pas être considéré comme cette sorte d’étranger. Alors, je communiquais seulement en Japonais, je faisais tous mes recherches de laboratoire en japonais, et donnais des cours et des rapports seulement en Japonais », dit-il au Japan Times.

La leçon que les Africains peuvent tirer de cette réussite du docteur Oussouby Sacko est qu’ils doivent élever leur jeu aux «standards japonais » s’il veulent réussir dans un monde globalisé.

Nous n’avons pas besoin d’aller vivre au Japon ou d’apprendre le Japonais pour cela. Le Japon étant l’un des pays les plus riches du monde, les plus cultivés et les plus disciplinés, nous devons apprendre la clé de leur succès et l’appliquer à notre réalité africaine.

Les Africains doivent élever leur jeu aux standards japonais

Le Japon n’est pas le seul pays développé sur lequel les Africains doivent apprendre. Mais le Japon nous enseigne qu’il est parfaitement possible de s’enrichir sans voler, qu’on soit un individu ou un pays.

Je ne dis pas que les autres pays riches ont volé pour s’enrichir. Mais une part importante de la fortune de beaucoup de pays occidentaux a été gagnée par l’esclavage, l’exploitation coloniale, les réseaux corrompus de la Françafrique ou les guerres dans les pays pétroliers, ce qui fait que les Africains doutent souvent que les Occidentaux gagnent honnêtement.

Même si le Japon a colonisé pour un moment la Corée, Taiwan ou la Manchourie jusqu’à la deuxième guerre mondiale, on ne peut pas dire que le Japon s’est enrichi grâce à l’exploitation de ces territoires. Le Japon est devenu une puissance après la deuxième guerre mondiale, dont il a été le perdant. En effet, je Japon s’est enrichi alors qu’il était occupé par les Etats-Unis. Les Japonais n’ont gagné leur fortune que grâce à leur intelligence et à leur amour du travail.

Alors, comment hausser notre jeu aux «standards japonais » ? En cherchant à devenir les meilleurs dans tout ce que nous faisons. C’est ce que l’écrivain Chris Gardner appelle être « world class ». Nous devons aspirer à devenir des enseignants, des ingénieurs, des médecins, des journalistes, des dirigeants « world class ». C’est ainsi que l’Afrique deviendra le futur Japon.

Source :

https://thisisafrica.me/fr/2017/10/10/oussouby-sacko-universite-japonaise/

 

Entretien avec Cédric Villani

Cédric Villani : « Les étudiants africains sont très intéressants, on sent l’appétit, l’enthousiasme… On apprend beaucoup de choses en parlant avec le plus célèbre mathématicien français. Que les Béninois sont les plus performants dans la discipline »

On apprend beaucoup de choses en parlant avec le plus célèbre mathématicien français. Que les Béninois sont les plus performants dans la discipline, ou que la France est en train de rater une opportunité. Car Cédric Villani, Médaille Fields 2010, multiplie les voyages en Afrique. Il est notamment très investi dans le projet des instituts AIMS, pour African Institute for Mathematical Sciences, des centres d’excellence lancés par le cosmologiste sud-africain Neil Turok en 2003. Ainsi que dans une initiative parallèle, le Next Einstein Forum, qui n’hésite pas affirmer que le prochain Einstein sera africain.

Vous êtes donc coutumier du continent ?

Cédric Villani Je pratique surtout l’Afrique francophone, avec déjà seize ou dix-sept voyages, et au Sénégal plus qu’ailleurs. Quand on veut faire les choses sérieusement, ce qui compte n’est pas d’être allé partout, mais le suivi et les relations sur le long terme. J’enseigne dans les centres AIMS au Cameroun et au Sénégal. Je vais aussi en Algérie et au Bénin. Là, il n’y a pas de centre AIMS, mais je suis président du conseil scientifique de l’Initiative béninoise, financée par la Banque mondiale. Les Béninois sont ceux que je connais le mieux, ce sont les plus performants. C’est lié à leurs traditions. Quelques mathématiciens béninois sont très reconnus internationalement. Dans chaque pays, je vais dans les universités, je vois les ministres, les ambassadeurs, je donne des coups de main, j’écris des lettres de recommandation.

Comment sont les étudiants ?

Les étudiants africains sont très intéressants. Ils n’ont pas accès à la littérature, ils manquent d’accès à des professeurs de niveau international mais on sent l’appétit, l’enthousiasme que l’on a tendance à oublier dans les pays plus développés. Il y a beaucoup de questions dans les cours. Un mélange étonnant de gens ultra motivés et d’autres plus passifs. Certains ont tout appris par cœur, d’autres sont plus imaginatifs. Un prof de Paris VI que j’ai convaincu d’aller au Cameroun est revenu très content, disant que l’engagement des étudiants était supérieur à celui de ses élèves parisiens.

Les universités sont-elles à la hauteur de ces étudiants ?

Elles souffrent toutes de la malédiction du nombre. En Europe, on parle tellement d’excellence que ça devient écœurant. Ici, au contraire, c’est un mot qui n’a pas été assez entendu. Le problème des universités africaines est d’arriver à sélectionner les quelques élèves qui peuvent passer à l’échelon supérieur, qu’il faut diriger vers des centres performants. C’est l’ambition d’AIMS, un modèle vraiment remarquable lié aux universités mais avec une certaine indépendance. Après, sur le terrain, c’est une course d’endurance. Il faut surmonter mille obstacles, trouver les bons directeurs, les bonnes relations avec le gouvernement.

Le monde académique africain anglophone est-il très différent ?

La différence est considérable. Le monde anglophone est plus pragmatique, mais les francophones ont un meilleur niveau en mathématiques. Les programmes africains francophones sont plus exigeants qu’en France, ils sont restés à ce que nous avions il y a quelques années. Pour l’instant et pour très longtemps encore, le monde africain des sciences est partagé entre les deux pôles, des anglophones plus praticiens et des francophones plus théoriciens. L’un ne va pas absorber l’autre mais le mariage des deux est une équation importante à résoudre pour le continent, d’autant qu’il y a des poids lourds côté anglophone : le Nigeria aligne une centaine d’universités, il y a des équipements de qualité en Afrique du Sud, et un pays comme le Rwanda progresse très vite.

Les mathématiques, qui exigent peu d’équipements coûteux, ne sont-elles pas une discipline idéale pour les pays pauvres ?

C’est vrai, mais d’autres facteurs sont à prendre en compte. Le plus important pour travailler les mathématiques, c’est un bâtiment. Et ce n’est pas rien. C’est souvent le souci numéro un. Il faut le trouver, le défendre contre ceux qui le veulent aussi, faire du lobbying, éviter qu’il se dégrade. Ça prend des années et, parfois, cela ne se résout pas. L’autre chose, quand vous avez de bons mathématiciens africains, c’est l’exil et le voyage qui sont une étape indispensable pour leur développement. Et s’ils rentrent après, ce qui est un choix personnel, il faut les bonnes conditions locales. Il faut des salaires, des infrastructures. J’ai un collègue africain de Harvard qui est rentré au Nigeria et se demande pourquoi : le salaire n’est pas fameux et le courant est parfois coupé de 10 à 18 heures. Financer une recherche, une personne, une bourse, ça va, mais financer un écosystème propice aux mathématiques, ça coûte cher !

Pourquoi le voyage est-il indispensable aux mathématiciens ?

Parce que sans discussions, sans contacts avec les autres, ce ne sont pas les bons problèmes, les bonnes questions, les bons réflexes qui sortent. Un mathématicien n’est rien sans son environnement. Nous passons notre temps à nous rencontrer, à voyager.

Par Skype, cela ne marche pas ?

Non, parce que, sur Skype, les conversations sont dirigées. On parle d’un truc précis, on écoute la conférence d’untel parce qu’il y a un outil qui sera utile. Mais on a aussi besoin de discussions informelles. Si vous écoutez les conversations des mathématiciens entre eux, c’est très frappant, ils se demandent qui est là, physiquement, qui a été engagé, qui est parti, sur quoi telle personne travaille. L’espace reste extrêmement structurant. Les universités virtuelles pour les mathématiques, on peut oublier, cela ne marche pas. Il faut quatre murs, un toit, être ensemble.

Est-ce que vous voyez parfois des étudiants sortis de nulle part, qui ont appris tout seul, par Internet ?

Non. Travailler sur des problèmes de recherche mathématique, ça s’exerce par des années de dur labeur. Si vous n’êtes pas dans un environnement, dans une classe, avec un prof qui vous donne des contraintes, vous ne faites pas les exercices. Dans tous mes voyages, je n’ai rencontré qu’un seul cas, exceptionnel : un étudiant argentin qui était à l’université de Buenos Aires mais avait trouvé ses problèmes de recherche tout seul, sur Internet.

La France ne semble pas très impliquée dans le programme AIMS…

C’est vrai. Et il n’y avait aucun représentant institutionnel français au Next Einstein Forum de Dakar, en mars 2016. Cela tient peut-être à l’architecture de la gouvernance idéale à la française : c’est bien organisé, chacun a de quoi s’occuper, mais si un truc nouveau apparaît, ça tombe entre les silos. AIMS a aussi commencé plutôt côté anglo-saxon et certains Français ont bloqué, parce qu’en anglais, mathematical sciences n’a pas vraiment le même sens. Côté français, c’est juste les mathématiques, alors qu’en anglais c’est plus général, cela comprend la physique, etc. Cela a dérangé une partie des mathématiciens français qui sont très à cheval sur les terminologies. A mon avis, ce débat est dépassé. L’enjeu, c’est la façon dont la France va se positionner pour les années à venir. En 2100, il y aura 4 milliards d’Africains. Ce sera le plus gros réservoir d’étudiants du monde. Est-ce que la France aura les filières ? Sera-t-elle prête à assumer les besoins de formation, ou est-ce que tout sera passé du côté des universités américaines ? C’est un vrai sujet ! J’ai plusieurs exemples de filières françaises qui perdent du terrain par rapport aux filières anglo-saxonnes. Et avec AIMS, la France est en train de manquer une opportunité.

Y compris du côté des entreprises privées ?

Oui. La seule qui est représentée [dans AIMS et le Next Einstein Forum], c’est Orange, parce que je suis dans leur conseil scientifique. Les entreprises anglo-saxonnes sont moins timides, peut-être parce qu’elles ne sont pas, comme souvent en France, des anciennes entreprises publiques. Elles prennent des risques, elles comprennent le long terme. Un ministre de l’enseignement supérieur qui fait bien son boulot ne doit pas espérer une quelconque récompense durant son mandat. C’est pareil pour une entreprise qui investit en Afrique : ce n’est pas le patron qui prend la décision qui en profitera, mais son successeur, ou le suivant

Cédric Villani

Mathématicien

Cédric Villani, né le 5 octobre 1973 à Brive-la-Gaillarde, est un mathématicien et homme politique français, directeur de l’Institut Henri-Poincaré de l’université Pierre et Marie Curie et professeur à l’université Claude-Bernard-Lyon-I. Wikipédia

Date et lieu de naissance : 5 octobre 1973 (43 ans), Brive-la-Gaillarde

Domaines : Mathématiques

Renommé pour : Travaux sur l’équation de Boltzmann et la théorie du transport optimal

Récompenses : Médaille Fields, Prix Fermat

Enseignement : École normale supérieure, Université Paris-Dauphine